Isabelle Lemou, jeune djougoise, bachelière qui termine ses trois années de licence de géographie à l’université, se prépare à rentrer l’an prochain à l’école de journalisme réputée de Dakar au Sénégal. Ce parcours scolaire était à peine imaginable il y a quelques années encore pour une fille de Djougou. Une minorité de filles allait en classe et pendant peu d’années jusqu’au mariage imposé. La situation s’est améliorée. Les filles sont de plus en plus nombreuses dans les classes des villages. Nous le constatons tous les ans lors des tournées où notre association apporte des fournitures scolaires dans les écoles très démunies. Les filles sont bien présentes. Elles prennent la parole pour remercier et dire qu’elles vont bien travailler. Des mères sont là aussi qui encouragent l’une d’elles à dire qu’elles vont soutenir leurs enfants dans leur scolarité. Et l’on voit des hommes approuver d’un hochement de tête. Ce sont des moments stimulants. D’autres moments sont vraiment désespérants. C’est le cas quand on apprend qu’une jeune élève aidée par notre association, première de sa classe en 6ème au lycée, quitte l’école pour être mariée selon la volonté inflexible de son père. Ces situations contrastées nous confortent dans nos actions de soutien à la scolarité. Actions menées avec des moyens qui se réduisent en ces temps de repli sur soi. C’est pourtant bien en aidant les jeunes générations à s’instruire que l’on peut espérer que ces pays peu développés comme le Bénin vont aller de l’avant.
Nous innovons dans ce soutien scolaire avec le projet de fournir des lampes solaires à des écoliers de villages de la commune de Djougou qui n’ont pas l’électricité chez eux. Comme c’est très majoritairement le cas dans les villages et certains quartiers de la ville, il faudrait des milliers de lampes pour couvrir les besoins. Nous allons commencer avec quelques dizaines en les mettant prioritairement à disposition des élèves parrainés par des familles membres de notre association.
C’est pour permettre d’acheter davantage de lampes que l’idée d’organiser une « dictée solidaire » s’est imposée. On donne 4 euros pour participer ludiquement à la dictée et contribuer à éclairer des écoliers de Djougou. Ils ont un réel besoin de ces lampes solaires. C’est ce que nous montre le reportage que vient de faire Isabelle, l’étudiante qui se prépare au journalisme. Avec des lampes à piles comme celles appelées « Yahi Boni » du nom de l’ancien président de la République, les problèmes arrivent quand les piles s’usent. Les lampes solaires que nous allons acheter sont robustes et reliées à un petit panneau solaire pour être rechargées au soleil toujours très présent à Djougou.
Voici le texte avec photos que nous présente Isabelle.
Cette rentrée comme les précédentes rentrées des classes, les écoliers des villages de Djougou étudient à la lanterne ou aux lampes à piles. Parmi ces derniers, figurent les enfants parrainés par l’association Evreux-Djougou. Ils bénéficient en effet des fournitures scolaires mais ont du mal à obtenir les résultats escomptés. Et pour cause, soit leurs maisons sont éloignées de leurs écoles, soit ils révisent leurs leçons sans électricité.
Les élèves des écoles des villages de Djougou et des autres communes environnantes, se débrouillent tant bien que mal pour réussir dans leurs études. Ils ont du mal dans un premier temps à aller à l’heure à l’école ou à réviser leurs leçons sans électricité les soirs. Noélie Zato une élève en classe de 3e fait face à ce problème: « Je vis à Zountori et je vais au CEG 3. Pour ça, je ne rentre que les soirs. Étant donné que la maison est éloignée, je rentre tard ». Son petit frère lui, fréquente l’école Séro Tago de la ville, mais rentre aussi les soirs après 17 heures. A peine rentrés, ils révisent leurs cours et font leurs devoirs.
A ce niveau se pose un autre déficit : le manque d’électricité. « Je révise mes cours avec les lampes dites « Yayi Boni ». Mais ces lampes sont de piètre qualité. Qu’il s’agisse de luminosité ou de capacité à tenir dans le temps » dit Noélie. Un palliatif auquel Noélie et Claude ne sont pas les seuls à avoir recours. Hafissath, élève en terminale A2 à Bariénou, fait de même. « Les soirs, lorsque je rentre des cours, j’allume ma lampe communément appelé « Yayi Boni » pour faire la cuisine et ensuite réviser mes cours ou faire mes devoirs. » Ceci permet de remédier à la situation d’électricité mais une autre difficulté se pose. Il s’agit des piles qu’utilisent les « yayi boni » .
Les élèves interrogés parlent de manque de moyens financiers pour changer leurs batteries. Noélie laisse entendre : « Quand les piles de la lampe sont complètement à plat, il arrive que maman n’ait pas d’argent pour les changer. » Chez Hafissath, c’est presque pareil. « Il m’arrive certains jours de n’avoir pas d’argent pour changer les piles détériorées. » Dans ces cas, les enfants utilisent plusieurs méthodes qui diffèrent d’une personne à une autre. Pendant que Hafissath révise ses cours dans la journée Noélie et son petit frère utilisent le téléphone portable de leur maman. A la question de savoir pourquoi tant de difficultés à avoir de l’énergie électrique, Hafissath répond : « Les poteaux de hautes tension sont installés; mais pour l’heure personne n’a encore les moyens dans le village pour s’acheter un compteur qui il faut le souligner coûte très cher. »
Malgré les lampes qu’utilisent les enfants pour réviser leurs leçons, la problématique demeure. Le déficit majeur en ce moment est celui des moyens financiers que connaissent les familles villageoises. Elles n’arrivent pas à pourvoir à leurs enfants des piles régulièrement afin que ces derniers bénéficient d’une luminosité pourtant bien nécessaire.